Quand le silence nous invite
Anne Le Maître est géographe, aquarelliste et poète. Autrice reconnue, elle a été récompensée par le Prix littéraire de la Liberté intérieure 2023 pour son essai Un si grand désir de silence, publié en 2022 aux éditions du Cerf. Son dernier ouvrage Le Jardin nu, paru aux Éditions Bayard (2023), creuse le rapport à la nature ordinaire vécue au prisme du deuil. Elle collabore à la revue Études et est également chroniqueuse pour le magazine La Vie.
C’est une parole qui ne fait aucun bruit, une voix que l’on ne peut entendre que lorsque tout se tait. Ce qui se laisse entendre quand se sont tus un à un tous les bruits qui nous assaillent : petite musique d’un quotidien saturé de tâches et de responsabilités, sollicitations mirobolantes d’une société de surconsommation qui nous promet toujours plus de nous divertir (c’est-à-dire de nous « détourner »), fracas du monde qui se bat contre lui-même et semble parfois courir à sa propre perte, bruit intérieur de nos angoisses, de nos envies, de nos détresses…
Alors : nous arrêter plutôt que courir. Écouter plutôt que parler. Une voix venue d’on ne sait où nous invite à prendre un peu de temps pour autre chose que pour cette course effrénée, jamais gagnée, contre le temps.
C’est la « voix de fin silence » qu’entend le prophète Elie au bord de l’effondrement, épuisé par les combats contre les faux prophètes, par les exhortations – aux puissants, au peuple… – et par les miracles qu’on a exigés de lui, accablé de solitude et guetté par le désespoir. Il faut, pour l’entendre, une oreille aiguisée et un cœur désirant. Il faut un peu de confiance, aussi, pour accepter de nous laisser ainsi dépouiller de nos urgences.
Déposer les armes.
Pousser la porte de l’église, ou du jardin.
Faire silence, enfin.
Creuser en nous la place pour nous-même, pour le prochain, pour le tout-autre.
Et nous donner la chance, qui sait, de découvrir, dans notre présence dépouillée au monde, une richesse insoupçonnée.
Anne Le Maître
Anne Le Maître est la marraine de la 1ʳᵉ biennale Sur la terre comme au ciel (22 juin au 11 juillet).
Vous pourrez la rencontrer le 4 juillet à 18 h, à la chapelle de l’Assomption à Dijon (place Notre-Dame).
Information et programme complet de la biennale :